Adressage

Un article de IPv6.

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Le format et la représentation des adresses sont les modifications les plus visibles pour l'utilisateur expérimenté et l'ingénieur réseau dans cette nouvelle version du protocole. Même si les principes sont fortement similaires à ceux employés dans IPv4, cet adressage apparaît beaucoup plus complexe. Il est intéressant d'en comprendre le principe et les règles d'attribution avant d'aborder les aspects protocolaires.

Une adresse IPv6 est un mot de 128 bits. La taille d'une adresse IPv6 est le quadruple de celle d'une adresse IPv4. En prenant en compte les estimations les plus pessimistes et les plus optimistes [BM95], on obtient l'encadrement suivant où l'unité est le nombre d'adresses par mètre carré de surface terrestre (océans compris) :

1564 < adressesdisponibles < 3911873538269506102

D'autres calculs indiquent que l'on pourrait potentiellement attribuer 60 000 milliards de milliards d'adresses par habitant.

Ces calculs sont bien entendu complètement arbitraires. Il est difficile de prévoir l'utilisation des adresses dans les années futures. Ainsi, par exemple, le plan d'adressage actuellement mis en oeuvre utilise un identifiant d'équipement sur 64 bits, c'est-à-dire la moitié de la taille de l'adresse. En fait ce genre de calcul sert de justification aux partisans des adresses de taille fixe (ce qui simplifie le traitement des paquets) en montrant que le nombre d'équipements adressables est colossal.

Il ne faut toutefois pas faire un contre-sens sur l'interprétation de ces calculs. Le but d'IPv6 n'est pas d'attribuer une fois pour toute une adresse IPv6 à un équipement (ou à un être humain). Une adresse IPv6 n'a de sens et d'utilité que lors que l'équipement est connecté sur le réseau. De plus si l'emplacement sur le réseau de cet équipement change, l'adresse devra également être modifiée pour refléter ce déplacement.

Ce chapitre, après avoir défini ce que l'on attend d'une adresse dans l'Internet, passe en revue les différents types d'adresses. Il explique en détail le plan d'adressage agrégé qui a été retenu pour construire les réseaux de tests et opérationnels. Il décrit également la manière de calculer les identifiants d'interface utilisé par plusieurs types d'adresses (voir également Supports de transmission).


Qu'est-ce qu'une adresse ?

La distinction entre les notions d'annuaires, de noms, d'adresses et de routes est comprise depuis longtemps. Cependant, depuis quelques années, au sein de l'Internet, la compréhension du rôle d'une adresse réseau a évolué. Dans l'Internet, une adresse sert en fait à deux fonctions distinctes : identification et localisation.

  • L'identification est utilisée pendant une connexion par chacun des intervenants pour reconnaître son interlocuteur. Cela permet entre autres de s'assurer de l'origine des paquets reçus.
    Cette vérification se fait dans les pseudo-en-têtes TCP ou dans les associations de sécurité d'IPsec. La durée de vie minimale d'un identificateur est celle d'une connexion TCP.
  • La localisation est utilisée pour trouver un intermédiaire qui saura délivrer les paquets. La durée de vie de la fonction de localisation est assez grande. En fait, elle ne varie qu'en cas de changement de prestataire IP ou de réorganisation du site.
    En général la localisation est découpée en deux parties : localisation globale (identifiant le réseau) et locale, distinguant les machines sur un même réseau. La localisation est intrinsèquement liée aux fonctions de routage d'IP.

En IPv4, on confond identification et localisation en une seule entité, l'adresse IP, globalement unique dans l'Internet. Cette construction a un prix : lors de la renumérotation d'un site, ou lorsqu'un mobile se déplace, la localisation change. Avec l'approche IPv4, l'adresse IP change, et donc l'identification... Cela implique une perte ou au mieux une renégociation des communications en cours.

Lors des études initiales pour IPv6, il a été proposé de séparer ces deux fonctions pour pouvoir résoudre simplement les problèmes de renumérotation, mobilité, multi-domiciliation... Ceci est encore un sujet de recherche. Cette proposition n'a donc pas été retenue ; en IPv6 comme en IPv4, l'adresse sert à la fois pour l'identification et la localisation. En effet, le plan d'adressage choisi dans un premier temps est une extension des règles d'adressage hiérarchiques (CIDR) utilisées dans IPv4.

Un autre débat est de savoir si une adresse identifie une machine ou une interface. Cette distinction n'est pas très importante dans le cas d'une machine simple ne possédant qu'une seule interface ; elle le devient dans le cas où elle en possède plusieurs ou est multi-domiciliée. En effet pour essayer de simplifier les tables de routage dans le coeur de réseau, si un site est connecté à plusieurs fournisseur d'accès, il possédera autant de préfixes IPv6 que de fournisseurs. Contrairement à IPv4, où l'on associe généralement qu'une seule adresse à une interface, une interface possède plusieurs adresses IPv6.

Structuration des adresses et agrégation

Un des problèmes majeurs d'IPv4 est la croissance incontrôlée des tables de routage. Ce phénomène est dû à une mauvaise agrégation des adresses dans les tables. Il faudrait être capable de router des ensembles de réseaux identifiés par un seul descripteur. CIDR apporte une amélioration, mais celle-ci est insuffisante en pratique : les adresses IPv4 sont trop courtes pour permettre une bonne structuration, et il faut surtout assumer le coût du passé avec les adresses déjà allouées.

Attribuer une adresse à un équipement est un processus complexe, basé sur un compromis entre la facilité d'attribution et la facilité de gestion. Idéalement, pour minimiser la taille de routage, le réseau devrait avoir une topologie en arbre, cela rendrait l'adressage hiérarchique très efficace. Dans la réalité pour des raisons économiques, techniques, géographiques ou de performances, le réseau est beaucoup plus complexe et peut être vu comme un graphe. Il faut introduire des exceptions dans les tables de routages pour refléter cette topologie. On voit que pour avoir l'adressage le plus efficace possible, il faut dans ce graphe trouver la représentation arborescente qui génère le moins d'exceptions possibles. Or s'il était possible aujourd'hui de trouver une représentation valide, elle ne le sera pas nécessairement demain. En conséquence, la définition du plan d'adressage doit être la plus souple possible pour permettre une évolution de nature imprévisible.

D'autant plus que l'agrégation pour IPv4 ne semble plus aussi efficace. La figure suivante donne l'évolution de table de routage dans le coeur de l'Internet, c'est-à-dire dans les réseaux des opérateurs où aucune route par défaut n'est définie.

Evolution de la taille des tables de routageSource: http://www.cidr-report.org
Evolution de la taille des tables de routage
Source: http://www.cidr-report.org

En 2000, la progression linéaire de cette table a semblé compromise du fait :

  • de la baisse du coût des liaisons longues distances, permettant une multi-domiciliation (multi-homing) des sites pour des raisons de fiabilité (en cas de panne d'un opérateur, le trafic pourra passer par un autre), de performances (aller directement sur le réseau avec lequel le site à un trafic important),
  • le manque d'adresses IPv4 qui force les opérateurs à allouer des préfixes de plus en plus long.

Depuis, les opérateurs ont fortement aggrégé pour revenir à une progression linéaire de la table. Des études [BTC02] montrent que :

  • la multi-domiciliation, c'est-à-dire la connexion d'un site à plusieurs opérateurs pour fiabiliser l'accès, ajoute un surcoût de 20 à 30 pourcent,
  • le partage de charge, c'est-à-dire réduire l'agregation pour annoncer un sous-ensemble de préfixe à chaque opérateur, induit un surcoût de 20 à 25 pourcent,
  • de mauvaises règles d'agrégation induisent une surcharge de 15 à 20 pourcent,
  • la fragmentation de l'espace d'adressage liée à la gestion des préfixes avant CIDR, et à l'allocation séquencielle des blocks d'adresses contribue à plus de 75 pourcent de la taille de la table.

Actuellement, pour pouvoir assurer une bonne agrégation, les règles utilisées par CIDR pour IPv4 sont conservées. Mais la gestion des tables de routage dans le coeur du réseau s'en trouvera quand même améliorée car :

  • dès le début le plan d'adressage est hiérarchique, éliminant les longs préfixes,
  • les sites multi-domiciliés posséderont autant d'adresses que de fournisseurs, permettant ainsi de garantir une agrégation.
  • des mécanismes de renumérotation automatiques permettent aux sites de changer facilement de préfixe quand cela est nécessaire.

Si un plan d'adressage hiérarchique semble actuellement le plus adapté, d'autres règles de numérotation pourraient être utilisées dans le futur, comme par exemple, les coordonnées géographiques de l'équipement. Ces techniques ne sont actuellement utilisées que dans quelques laboratoires de recherche pour des réseaux ad hoc, mais il reste assez de place dans l'espace d'adressage pour prendre en compte ces nouveaux types de réseaux si un jour ils se généralisent.

Le choix d'un plan d'adressage a fait l'objet de nombreux débats à l'IETF. Il a été beaucoup plus difficile à définir que le format du paquet IPv6 présenté au chapitre suivant. Plusieurs plans ont été proposés puis abandonnés. Ces divers plans d'adressages sont commentés dans le chapitre sur l'Historique de la standardisation d'IPv6. Le présent chapitre se contente de décrire les différents plans d'adressage actuellement utilisés.

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